Par le Grand Bouc ! Il y avait bien longtemps que je ne m'étais pas aventuré dans un livre sans savoir où je foutais les pieds. Pourtant, il faut avouer que je connais bien ce gars, John Lang. Voilà maintenant plus de dix ans que je suis les pérégrinations du bonhomme avec Le Donjon De Naheulbeuk, ses albums, ses bandes dessinées, mais nom d’un diablotin, même après tout ce temps, celui que l'on nomme aussi Pen Of Chaos, arrive toujours à m'étonner. L'homme en question, pour faire une présentation rapide de son boulot, a su développer un univers de fantasy loufoque bien à lui, que ce soit avec Le Donjon (et les livres qui ont suivi) ou avec son groupe, NAHEULBAND, et a créé par la même occasion, une base de fans fidèles prêts à le suivre de partout dans ses délires. Bref, nous avons avec John Lang, un monsieur qui a fait beaucoup pour la communauté fantasy en apportant quelque chose de neuf et de frais à l'époque où tout cela a commencé. Au milieu de tout ça, est sorti Le Bouclier Obscur déjà deux fois réédité, et pour être franc, je ne me suis jamais vraiment penché dessus. C'est donc totalement à l'aveugle (mais confiant) que je me lance dans cette lecture.
Uther est un jeune prof qui voit sa vie monotone et plate changer du jour au lendemain en essayant d'enlever un virus sur l'ordinateur d'un curé. Ce virus n'est autre qu'un démon lubrique et pervers qui cherche à sortir pour réduire l’espèce humaine en bouillie. Uther sera rejoint par un de ses élèves, James, fan de SF et d'informatique pour mener l’enquête et traquer le démon qui s'est réfugié dans une vieille université à Paris. La mission s'annonce périlleuse.
C'est en 300 pages que John Lang a décidé de faire cauchemarder son lecteur, et je vous prie de croire que tout va très vite. L'histoire, les événements, tout est mené tambour battant sans pour autant qu'une impression de bâclage ne surgisse. L'auteur élimine tous les artifices (donc pas de background à rallonge), seuls comptent l'histoire et ses personnages. Il est cependant difficile avec un roman aussi court de pouvoir vraiment approfondir le caractère de tous les protagonistes de l'histoire, bien qu'ils soient nombreux, et seuls les deux héros sont "vraiment" aboutis, j'irais même jusqu'à dire qu'ils sont attachants. Histoire de donner encore plus de rythme au récit, l'auteur mise sur une écriture simple et presque décontractée (voire même potache) avec son humour noir, bien que l'ambiance générale, elle, soit lourde et moite. L'utilisation de la première personne force l’immersion dans cet univers sordide et j'insiste sur le mot "sordide", car nous sommes bien loin des elfes et des trolls présents dans les aventures de John Lang. En effet, je n'avais pas précisé, mais Le Bouclier Obscur joue clairement dans la cour des thrillers surnaturels, et comme dans tout bon thriller qui se respecte, les scènes dérangeantes sont légion.
Autant le dire tout de suite Le Bouclier Obscur n'est pas à mettre entre toutes les mains. Le texte regorge de scènes de mutilations, de sexe pervers (c'est peu dire), et nous pousse souvent soit à zapper le passage en question (pour les âmes sensibles) soit à assumer sa curiosité malsaine (moi) en nous délectant de toutes ces atrocités, bien que parfois l'impression que l'auteur tape dans la surenchère gore se fait sentir. Du sang, des tripes, des vierges et des enfants démembrés, un régal pour toute la famille.
Pour autant tout n'est pas parfait et quelques petits points noirs viennent entacher le tableau. Certaines scènes manque en crédibilité et cette succession de détails gores devient pesante à la longue, manque simplement plus de subtilité afin de faire laisser travailler l'imagination du lecteur. Un personnage présent dès le départ est mis de côté sans vergogne et les interludes médiévaux qui ponctuent le récit auraient mérité une place plus importante. L'idée était vraiment bonne et en plus, ces coupures constituent peut-être le seul moment où l'on peut reprendre une bouffée d'air (vicié) dans ce contre-la-montre démoniaque.
Sans être devenu une référence, avec ce premier essai, John Lang a su mettre un pied dans un style différent de ce qu'il a pu faire par le passé et nous livre un roman tout à fait honnête. L'ambiance est vraiment oppressante et la documentation en démonologie est bonne. L'auteur nous permet de visiter plusieurs lieux et mène habilement sa barque pour offrir au lecteur une certaine diversité malgré le nombre de pages assez réduit. Bien vu.
C'est certain John Lang n'a fait que confirmer son talent avec Le Bouclier Obscur totalement barré et malsain. Il n'y a plus qu'à patienter pour un nouveau méfait, qui sera, j'espère, au moins aussi fou que celui-ci.
Ethno
Auteur : John Lang
Éditeur : Hélios
Année : 2006
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