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CHRONIQUE - "Ça" de Stephen King

Dernière mise à jour : 10 janv. 2022



Il y a des livres qu'il faut lire, et pour ma part il fallait que "ça" soit l'un d'eux, l’un des plus célèbres romans d’épouvante jamais écrit. Mieux vaut tard que jamais comme on dit, mais il n’en reste pas moins que pour un amateur d’horreur et fan du King cela fait tard. Enfin…le livre est fini, les années sont passées et je ne regrette absolument pas car mon erreur aurait pu être de ne jamais le lire. Mais vu mon engouement pour les pavés (celui-ci atteint tout de même les 1500 pages) je me devais de franchir le pas pour enfin me plonger dans ce qui reste pour moi LE chef d’œuvre de Stephen King.


Synopsis


Ça voulait seulement manger, dormir, manger, dormir. Derry était son abattoir, les gens de Derry son troupeau”


1958

Le début des vacances scolaire sonne pour une bande de sept gamins de l’école primaire. Bill, Ben, Stan, Richie, Eddie, Mike et Bev, « le club des Ratés » comme ils se surnomment compte bien profiter des vacances. Mais tout ne se passera pas comme prévu, en plus d’être terrorisés par la brute de l’école, les Ratés devront au cours de l’été affronter une série d’événements étranges et terrifiants. Un Mal dont il ne soupçonne pas la puissance a élu domicile sous Derry et semble vouloir y rester quoi qu’il en coute.


1985

Vingt-sept ans plus tard.

Une série de meurtres violents s’abat de nouveau sur la ville. Sur un coup de fil de Mike le Club des Ratés est reformé, le Mal qui rongeait Derry semble refaire surface, mais cette fois ci c’est en adulte qu’il va falloir l’affronter. Tous ramenés à leur vie d’enfant, les souvenirs referont surface peu à peu, mais pourquoi n‘ont-ils aucuns souvenirs ? Vont-ils cette fois vaincre « Ça », l’entité aux multiples visages vivant dans les égouts de la ville ?


Analyse


Comment une créature de ce monde (ou de tout autre monde) pouvait-elle déjouer Ça, faire mal à Ça, aussi légèrement et brièvement que ce fût? Comment était-ce possible?

King a toujours eu ce don, cette fibre (qui peut être aussi bien considérée comme un atout que comme un défaut) de mettre énormément de mots sur les choses et d’avoir un souci du détail particulièrement pointu. Cela ne s’est jamais aussi bien vérifié que dans « Ça ». Loin de nous proposer une lecture compliquée, l’auteur s’attèle à un travail minutieux, celui de décrire les sentiments ressentis par une bande de gamins de onze ans qui devront affronter leurs peurs et leurs angoisses, aussi bien que la découverte de la véritable amitié et de l’amour. L’identification aux personnages est aisée et nous nous trouverons même beaucoup de point commun avec les héros du livre, en effet, qui ne s’est jamais fait molesté par la brute de sa classe ? Qui n’a jamais eu la peur au ventre dans le noir ? De plus les ressemblances physiques avec les héros peuvent être troublantes, entre le bigleux, le gros, la fille, le courageux, chaque personne pourra s’identifier à au moins un gamin.


King arrive presque à nous faire regretter de grandir (c’est le grand gamin de 30 ans qui vous le dit) et la peur « d’oublier » ne s’est jamais faite aussi grande. Quoi qu’il en soit l’auteur nous fait comprendre qu’au fond de nous il y a toujours un « Bigleux » (pour ma part) qui sommeille et que celui-ci ne demande qu’à se réveiller.


En année ordinaire, Derry est déjà une ville violente. Mais tous les vingt-sept ans, même si le cycle est en réalité un peu approximatif, cette violence atteint des sommets de fureur”


Dans ce roman Stephen King arrive à nous peindre le tableau de la petite ville Derry à la fin de années cinquante, ville située dans son Maine adoré où chaque individu vie sa vie, sans histoire, du moins jusqu’à que le cycle de la Chose ne reprenne. L’auteur met l’accent sur la petite vie typique de l’Américain moyen et dénonce en autres les dérives racistes et homophobes particulièrement virulentes de ces années-là, et comme d’habitude avec Stephen King l’horreur ne s’arrête pas seulement à un monstre sanguinaire qui dévore les enfants à belles dents et peut aussi bien prendre le visage d’un humain (la brute épaisse dans le roman) qui deviendra une source d’angoisse supplémentaire.


Les situations sont quand a elle particulièrement brutales et atroces. Que ce soit dans les scènes d’horreur où les scènes de sexe, chaque mot est intelligemment pesé et il m’est arrivé de me demander en parcourant certains forums dédié à Stephen King comment est-ce que l’on pouvait conseiller ce livre à des enfants de onze ou douze ans. La réalité des faits sont certes vrai pour beaucoup de choses, notamment la violence de la relation père/fille de Bev, le racisme à l’encontre de Mike et la perte d’un être chère avec les Denbourgh, il n’en reste pas moins que certains propos et situations amenées par King peuvent être choquantes et je comprends mieux pourquoi « Ça » a littéralement empêché toute une génération de dormir.


L’approche technique concernant l’écriture est basée sur énormément de flashback alternant des passages de 1958/1985 qui se font de plus en plus fréquent au fur et à mesure du récit, ces flashback dynamisent la lecture et nous font suivre les aventures des Ratés avec aisance malgré les changements d’époques récurrents. Bien sûr, tous les codes de l’horreur sont là, et il n’y a pas une page qui ne fasse pas transpirer à grosses gouttes. A noter que c’est peut-être un des seuls romans du King où l’action commence dès les premières pages, chose tout à fait exceptionnelle mais la joie sera de courte durée car comme dans tout bon Stephen King de grands passages descriptifs prendront le relais et il faudra tout de même passer une sorte de présentation des personnages d’environ deux cent pages pour voir le reste du récit réellement décoller.

Comment parler du livre sans parler du film « Il » est revenu (qui a lui aussi traumatisé toute une génération), il reste certes un très bon film mais une adaptation plus que passable, le film est fait simplement pour terrorisé, la subtilité contenu dans le livre s’en trouve ici amoindrie (pour ne pas dire inexistante), aucun mot sur la provenance de « Ça», et encore moins sur les relations qu’entretenait les Ratés, relations qui paraissent plates et sans intérêt dans le film.


Mythologie


“Une fois que l’on est lancé dans ce genre de merdier cosmologique, on peut foutre en l’air tous les manuels d’instruction”


Au-delà de l’éternel thème de la lutte entre le Bien et mal, King en profite pour nous instruire un peu et nous glisser quelques références mythologiques et cosmogoniques qui serviront au Ratés pour comprendre ce qu’ils affrontent mais surtout pour savoir comment détruire cette créature. Ces références sont pour la plupart piochées dans les mythes Indo-Européens (la cérémonie de la Petite Fumée), mais aussi Tibétain (le rituel de Chüd) et Extrême-Orientaux (la Tortue). King peut avoir l’air de se perdre dans toutes ses références, mais est-ce volontaire ? Voulait-il que les Ratés explorent plusieurs horizons dans leur recherche pour vaincre le Mal ? Où est-ce une maladresse de la part de l’auteur qui s’est peut-être un peu trop étalé sur une tartine de mythes qui lui tenait à cœur?


Mais le plus étonnant reste l’approche très « Lovecraftienne » du récit notamment sur la fin du roman lors de l’affrontement finale. Le clin d’œil au Maitre est flagrant et l’auteur va même jusqu’à reprendre quelques « codes » mise en place dans le Mythe de Cthulhu et des Grands Anciens pour donner vie à sa créature.

Pour conclure « Ça » restera une référence absolue en matière d’horreur et continuera à faire cauchemarder des générations entière, une fois de plus King a su jouer avec nos sentiments en puisant dans le registre de l’enfance, mais au-delà d’un livre d’épouvante, ce livre est une ode dédiée aux âmes purs et à la naïveté enfantine qui nous touchera forcement pour peu que notre esprit d’adulte laisse encore respirer notre âme d’enfant…


Si vous n’avez jamais connue la peur, venez, ouvrez la porte de la tanière et entrapercevez les Lumières-Mortes.


Ethno

Auteur : Stephen King

Édition : Le Livre de Poche

Année : 1986

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