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CHRONIQUE - "Fire Punch" de Tatsuki Fujimoto



Shōnen écrit entre 2016 et 2018 par Tatsuki Fujimoto, "Fire Punch" fait un peu figure d’OVNI dans le manga game actuel. Méta pour les uns, pas assez abouti pour les autres et parfois jugé trop violent, Agni et les Elus de ce « Fire Punch » ne laissent pas indifférent.

Quoi qu’il en soit, il faut avouer qu’il y a de quoi dire une fois la dernière page refermée que l’on aime ou pas car bien qu’à mes yeux ce manga soit une réussite de part les thèmes et les questions qu’il soulève, il n’en est pas moins exempt de tout reproches (même s’ils sont minimes).


L’histoire :

Sur une terre gelée par la Sorcière de Glace, le monde connait une période de froid extrême et prive les habitants de nourriture et de chaleur. Dans un village, deux enfants frère et sœur, Agni et Luna sont des Elus possédant le don de régénération qui leur permet de pouvoir se couper des membres afin de pouvoir nourrir la population, jusqu’au jour où débarque une troupe de militaires dont le chef, Doma, va bruler le village entier ne laissant vivant qu’Agni qui se consumera de manière perpétuelle. Il va donc se mettre en quête de l’assassin de sa sœur, rencontrant au passage d’autres Elus ainsi que des personnages assez atypiques qui l’aideront dans sa quête de vengeance.


Le Manga :

Soyons clair dès le départ, "Fire Punch" n’est pas un œuvre accessible. L’extrême violence du premier tome par exemple peux provoquer un sentiment de dégout à la vue de certaines scènes.

En effet, niveau thématique l’auteur va frapper fort puisqu’il aborde pêle-mêle : le cannibalisme (nous y reviendrons), le viol, l’inceste et même un soupçon de zoophilie, voilà ! Simplement de quoi satisfaire la curiosité malsaine de chacun.

Heureusement, tout ça se dilue au fur et à mesure de l’histoire et même si certains passages restent très crus dans les tomes à venir, ils ne seront jamais aussi intenses que sur ce premier volet de la série. D’ailleurs nous sommes en droit de se demander si Fujimoto n’a pas chargé un peu la mule niveau atrocités pour faire accrocher le lecteur à son histoire car cette explosion de violence (qui a sans doute pour but d’appuyer le propos que ce monde est cruel) n’était pas spécialement nécessaire. Cela se prouve bien par la suite car il arrive à faire sans pour le reste de son récit.



"Fire Punch" est donc une œuvre originale ne serait-ce que par son approche assez cinématographique. Fujimoto le dit lui-même, il voulait rendre un hommage au cinéma qu’il affectionne tant et cela se ressent dans la mise en scène de son manga. Totaga sera le personnage qui apportera cet aspect méta puisqu’elle voudra faire un film sur la vengeance d’Agni et elle ira jusqu’à prendre le rôle de metteur en scène, accompagnée par Neneth qui sera cameraman. Vous voyez le topo ? De nombreuses références sont glissées ça et là et l’auteur ira même jusqu’à citer des répliques (à vous de trouver lesquelles pendant votre lecture) et il ne peut cacher bien longtemps cette amour qu’il a tenu à nous faire partager. D’ailleurs le scénario de l’œuvre lui-même est construit de façon assez particulier puisqu’Agni sera amené à trouver assez rapidement le meurtrier de sa sœur. Assez étrange quand on sait que ce shōnen est une histoire de vengeance.


Au-delà de ça, le mangaka aborde de nombreux thèmes assez sérieux, même s’ils sont durs. Je parlais de cannibalisme au début de la chronique et en effet cet aspect revient souvent puisqu’Agni offre souvent à manger une partie de son corps qu’il faut voir comme un don de soi. Au départ, Agni est un personnage fondamentalement « gentil ». De cette manière, il permet aux habitants de survivre et d’échapper à la mort, chose que les soldats du Behemdolg ne verront pas de cet œil. Pour cela, tout le village périra consumé par les flammes de Doma (des flammes qui ne cessent qu’une fois la personne consumée) et l’on peut y voir ici un des nombreux symboles bibliques présent tout au long de l’œuvre.

Car c’est un des thèmes récurents dans "Fire Punch", beaucoup de références à la religion sont faites et les survivants vont même jusqu’à considérer Agni comme un Dieu. L’auteur nous fait comprendre qu’en ces temps maudits et glacials, les gens ont besoin de croire en quelqu’un qui pourrait les sauver et enfin les mener au Salut.

Idem pour la notion d’Elus. Ces êtres aux pouvoirs particuliers pouvant soit se régénérer, soit produire de l’électricité ou des métaux ou encore produire des flammes, sont omniprésents dans le titre et ils se livrent (pour la plupart) une lutte acharnée et sans concession. Mais le paradoxe est qu’ils se prétendent toujours être là pour aider les autres ou alors pour les exploiter… aussi… sous prétexte qu’ils ne sont que du combustible et ils sont donc capables du meilleur, comme du pire.

Fujimoto aime jouer sur les contrastes. Ils sont d’ailleurs nombreux, ne serait-ce qu’avec Agni, ce personnage brûlant de vengeance (au sens littérale) toujours en opposition avec ce paysage blanc immaculé. Le bien, le mal, la vie, la mort. Tout ici n’est que contraire, un peu comme les sentiments de ce personnage d’ailleurs. Agni se posera énormément de questions sur son identité, un peu comme Totaga qui sera elle aussi un personnage tout en contraste. L’auteur pousse son lecteur à se poser des questions lui aussi qui sommes-nous ? Sommes-nous vraiment honnêtes avec nous même ? En sommes des questions tout à fait humaines dans un monde qui lui, est inhumain.


La partie dessin quant à elle remplit sa part du contrat bien que quelques planches soient un peu brouillonnes et empêchent une bonne lisibilité, Fujimoto arrive parfaitement à retranscrire la douleur et les sentiments ressenti par ses personnages et le lecteur peut sentir qu’un travail particulier a été fait pour dessiner tout ce qui a attrait au feu et à la combustion de manière générale.



Conclusion :

Sous son air bas du front, "Fire Punch" est en fait un manga bien plus intelligent qu’il n’y parait. Hommage singulier au cinéma, réflexion sur la société et la religion, Fujimoto nous livre ici une véritable source de questionnement tout en contentant les amateurs d’œuvres un peu hors normes et malgré quelques petits point noirs au tableau (une Totaga complètement horripilante dans le tome 2, une violence exacerbée et inutile sur le premier tome 1), ce manga s’impose comme quelque chose que l’on doit lire ne serait-ce que pour se faire un avis par soit même, sans oublier qu’il s’agit d’un premier projet en série de l’auteur.

Pour le reste, je pense que ce manga gardera une place particulière dans ma mangathèque. Moi qui suis plutôt amateur de vieilleries dans le domaine, j’avoue que j’ai tout de même ressenti un petit quelque chose en refermant le livre bien que la fin un peu métaphysique ne m’ait pas emballée plus que ça.

Mais peu importe, le contenu lui, est à la hauteur et il reste une très bonne porte d’entrée dans l’univers de l’auteur qui enchainera quelques temps plus tard avec "Chainsaw Man", un univers tout aussi sombre et gore que "Fire Punch". Voilà qui devrait ne pas dépayser les fans du Monsieur.

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