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CHRONIQUE - "Coldheart Canyon" de Clive Barker


Les auteurs de littérature d’horreur sont légion. Le milieu regorge d’écrivains talentueux et l’amateur de frissons n’a que l’embarras du choix. Koontz, Campbell, Rice et bien sur l’homme qui nous intéresse Clive Barker font partie de cette génération qui a marqué son monde, chacun avec leur genre et leur imagination débridée (je ne cite volontairement pas Stephen King, référence absolue et mondialement (re)connue).

Mais venons-en à Barker. Artiste avec un grand A, ce Monsieur au CV long comme le bras est un exemple de productivité et de créativité. Peintre, réalisateur, scénariste et écrivain, ce couteau suisse artistique n’a désormais plus rien à prouver à personne. Il est l’auteur des Livres de Sang, référence en matière de nouvelles horrifiques et de plusieurs films dont Cabale, adaptation cinématographique d’un de ses romans qui a inspiré un certain Cradle Of Filth pour son album Midian, et entre nous, qui n’a jamais entendu parler des Cénobites et de Pinhead ? Quel amateur d’horreur n’a jamais vu Hellraiser qui a largement terrorisé les mioches comme moi, à l’époque avec son esthétique sado-maso, son ambiance morbide et ses décors gothiques ? Mais point de chronique cinéma ou musicale pour cette fois, c’est aujourd’hui du Clive Barker écrivain dont nous allons parler et plus particulièrement de son roman Coldheart Canyon.

Quelques mois à peine après avoir refermé Le Royaume des Devins, pavé onirique d’une beauté parfois noir, c’est les pages de Coldheart Canyon que j’ai hardiment parcourues pour vous pondre cette chronique. Avec Le Royaume des Devins, Barker nous prouvait l’étendue de son savoir-faire en nous proposant un récit fouillé à l’intrigue complexe se déroulant à cheval dans notre monde et dans un monde imaginaire sortant tout droit d’un tapis enchanté (je vous l’accorde présenté comme ça, ce n’est pas terrible), toujours est-il que l’auteur s’engouffra avec ce livre dans les contrées de la littérature fantaisiste, chose qu’il continuera avec des œuvres comme Imajica qui, cette fois-ci, s’adressera à un public plus jeune. Alors je vous vois venir, vous vous demandez pourquoi diable je vous parle du Royaume des Devins, un livre de fantasy, alors que le sujet du jour est Coldheart Canyon un roman bien ancré dans la veine horrifique? Et bien simplement pour appuyer le fait que Barker est un véritable caméléon et que son talent ne se limite pas à un seul genre.

Coldheart Canyon

D’entrée, le décor est planté. La Roumanie dans les années 20, une forteresse sombre gardée par des moines, un secret ésotérique qui les ronge et deux mystérieux étrangers venus fourrer leur nez dans leurs affaires, la formule classique pour bien démarrer puis changement de décor, Hollywood de nos jours. Todd Picket, star de cinéma sur le déclin décide de passer le cap de la chirurgie esthétique pour relancer sa carrière, mais cette expérience le laissera défiguré. Devant fuir les médias et le feu des projecteurs, son agent lui dégotte une paisible petite bicoque qui finalement se révélera être un véritable calvaire.


Voilà le bref résumé (histoire de ne pas trop en dévoiler) de Coldheart Canyon. Comme d’habitude chez l’auteur, le texte est fluide, et ne se prend pas la tête avec d’infatigables figures de style, non, tout est fait pour une immersion totale et rapide. Les premières parties défilent à une allure folle sans pour autant être bâclées, Barker veut en venir au fait rapidement pour laisser encore plus de place à l’intrigue et à ses fameuses scènes chocs dont lui seul a le secret, tout en prenant soin d’introduire correctement son personnage principal. Non content d’en mettre une bonne couche dans la tronche du système hollywoodien, Barker tisse au fil de l’histoire une ambiance de plus en plus sombre qui dérivera (forcement) sur le fantastique.

C’est alors que le récit prend la tournure qui a rendu Barker célèbre dans ce style. Des scènes orgiaques aux détails les plus crus (frôlant parfois la pornographie), aux monstres ignobles qui peuplent l’aventure, tout dans ce livre est là pour mettre le lecteur mal à l’aise tout en lui donnant l’envie d’aller encore plus loin pour satisfaire sa curiosité malsaine. La rencontre des deux héroïnes donne un nouveau souffle au récit et aborde de nouveaux thèmes, l’ésotérisme et le sexe faisant leur apparition pour un mélange détonnant. Alors oui, l’auteur parle de sexe (ce n’est pas une nouveauté chez Barker) et de pratiques sexuelles peu courantes (quoi que), mais pas de quoi crier au loup ni d’être choqué outre mesure, cela aide simplement à cerner un peu plus les personnages.


Cependant, malgré la virtuosité avec laquelle l'auteur mène (ou malmène) ses personnages, le roman n’est pas exempt de tout reproche. Arrivé à la fin du livre, certains événements pourraient paraître vite traités, comme s'il avait décidé de simplement les inclures sans vraiment trop savoir comment les faire terminer. Aux dires de Barker, Coldheart Canyon a été un texte difficile à apprivoiser et a été le fruit de beaucoup de modifications. Ce qui devait sûrement être une critique envers Hollywood à la base se transforme en un roman fantastique mélangeant les deux genres, d’où l’impression d’une fin abrupte de la partie fantastique. Le deuxième point négatif concerne le côté critique de Barker. Comme je le disais précédemment, celui –ci ayant connu quelques déboires avec des sociétés de productions au niveau de ses films, l’Anglais déverse une critique acerbe et sans concession qui sent tout de même une certaine rancœur et un certain dégoût pour la sphère cinématographique. Bien sûr, il ne se contente pas de vomir sa bile gratuitement, mais les sentiments cachés derrière tout ça se révèlent clairement quand on connaît l’histoire du bonhomme.

Pour l’amateur du genre, je dirais simplement que tout est là. Un roman sombre et torturé, mené tambour battant par plusieurs personnages tous aussi travaillés les uns que les autres, des scènes chaudes comme la braise, de l’ésotérisme, enfin le genre de formule classique qui fait mouche à chaque fois. Je déconseille toutefois ce livre aux personnes sensibles, mais pour les autres, amateurs de sensations fortes, un conseil, n’attendez plus et jetez-vous sur ce Coldheart Canyon !


Ethno

Auteur : Clive Barker

Éditeur : J'ai Lu

Année : 2001

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